Le Fatah el Islam est un groupe extrémiste salafiste qui a trouvé refuge dans le camp de Nahr el-Bared, au Nord du Liban près de Tripoli. C’est à partir de là qu’il menait des actions de terreur. L’une d’entre elles a lâchement visé l’armée libanaise, un matin alors que les soldats étaient encore dans leur sommeil. Cette attaque faisait suite à une autre qu’elle avait mené dans une filiale de la Bank Med (banque détenue par Hariri) dans le but de récupérer les chèques que Saad Hariri, leur employeur, leur devait.
Voici, en juin 2007, une interview du journaliste Seymour Hersh qui révèle à la CNN les liens entre Fatah el Islam et le clan Hariri.
Seymour Hersh est un journaliste du New Yorker qui a enquêté sur les réseaux terroristes et qui a révélé les liens existant entre la CIA et certains groupes extrémistes, dont le Fatah el-Islam… avant même que ce dernier se fasse connaître, notamment lors de la bataille de Nahr el-Bared l’opposant à l’armée libanaise lors de l’été 2007. Ce rapport à l’origine anodin devient plusieurs mois plus tard une source d’informations incontestable accablant le rôle US (et de ses alliés locaux) dans le financement de réseaux terroristes.
Traduction du contenu de l’interview
Journaliste CNN: L’enquêteur Seymour Hersh reportait en mars dernier que pour défaire le Hezbollah, le gouvernement libanais soutenait des groupes extrémistes sunnites, les mêmes que ceux qui se battent aujourd’hui à Nahr el Bared.
CNN: Seymour Hersh, quelle est, selon votre rapport, la source de financement du Fatah el Islam dans le camp de Nahr el Bared? D’où provient cet argent, d’où se procurent-ils les armes?
Seymour Hersh: Les acteurs clés sont les Saoudiens bien sûr et Bandar qui ont conclu une sorte d’accord privé avec la Maison Blanche (Dick Cheney et Elliot Abrams). L’idée est d’avoir un soutien financier de l’Arabie Saoudite pour soutenir divers groupes sunnites extrémistes du Jihad, particulièrement au Liban, qui seraient perçus comme un appui en cas de confrontation avec le Hezbollah, groupe chiite. C’est aussi simple que cela.
CNN: Donc, le gouvernement de Siniora, pour contrer l’influence du Hezbollah au Liban, serait volontairement entrain de fonder des groupes tels que Fatah el Islam avec qui elle a des problèmes actuellement?
Seymour Hersh: Conséquence non intentionnelle, oui.
CNN: Donc si l’Arabie Soudite ou le gouvernement Siniora sont entrain de faire cela, que ce soit intentionnellement ou pas, est-ce que les Etats-Unis auraient alors leur mot à dire à ce sujet?
Seymour Hersh: Les Etats-Unis sont profondément impliqués. Il s’agit d’une opération couverte par le prince Bandar [ndlr: fils du prince Sultan et ancien ambassadeur saoudien à Washington, proche de George Bush père]. Mais n’oubliez pas, si vous vous souvenez, nous sommes allés en guerre en Afghanistan en soutenant Ben Laden, un moujahidin à l’époque, dans les années 90… avec Bandar et avec des gens comme Elliot Abrams, la mauvaise idée étant qu’avec les promesses Saoudiennes, ils peuvent controler les djihadistes. Donc, nous avons dépensé beaucoup d’argent et de temps à la fin des années 80 dans le soutien de djihadistes pour nous aider à battre les Russes en Afghanistan et ils se sont retournés contre nous. Et nous avons le même probème maintenant, nous n’avons pas retenu les leçons du passé. On utilise les Saoudiens pour soutenir les djihadistes et les Saoudiens nous disent qu’ils peuvent contrôler les groupes salafistes… ces mêmes groupes dont on parle actuellement à Tripoli et qui sont en contact avec le gouvernement.
CNN: (…) Mais pourquoi cela aurait-il été intéressant pour les Etats-Unis de soutenir, disons indirectement, ces groupes jihadistes qui sont extrémistes, qui se battent jusqu’à la mort dans ces camps palestiniens. Cela ne va-t-il pas à l’encontre des intérêts du gouvernement Siniora mais aussi des Etats-Unis au Liban?
Seymour Hersh: L’ennemi de notre ennemi est notre ami. Les groupes djihadistes au Liban étaient aussi présents pour s’opposer au Hezbollah, dont tout le monde se rappelle a battu Israël l’année dernière, de l’aveu même des Israéliens. Et vous avez donc avec le Hezbollah, une menace importante pour les [intérêts] US. Le rôle des USA est simple… Condoleezza Rice, la secrétaire d’État, est très claire à ce sujet: Travailler maintenant sur le soutien de groupes sunnites n’importe où contre les chiites. Contre les chiites en Iran, contre les chiites au Liban avec Nasrallah. L’objectif est clairement la fitna, une guerre civile. C’est actuellement l’objectif à certains endroits du Liban.
CNN: Mais l’administration Bush officiellement ne sera pas d’accord avec cela. Le gouvernement libanais pointe clairement du doigt la Syrie. Est-ce que ce groupe est lié à la Syrie, se procure-t-il des armes via la Syrie? D’où proviennent ses armes si ça ne vient pas de Syrie?
Seymour Hersh: La Syrie est proche du Hezbollah et est critiquée pour cela par l’administration Bush qui soutient les groupes salafistes eux-mêmes particulièrement opposés au Hezbollah. C’est pourquoi cela n’est pas logique [d'accuser la Syrie]. Ce qui est plus simple, c’est de comprendre ce programme conclu avec les Saoudiens. Donc, il s’agit d’un problème plus grand [que celui présenté officiellement] et qui consiste à stopper l’émergence chiite. Et c’est simplement ce qui s’est produit auparavant.
CNN: Si ça n’a aucun sens pour la Syrie de soutenir ces groupes salafistes, pourquoi cela aurait-il un sens pour les USA de soutenir, indirectement, ces groupes en donnant des milliards de dollars et en soutenant militairement le gouvernement Siniora? Surtout s’ils n’arrivent pas à contrôler ces groupes extrémistes.(…) Quel est notre meilleur intérêt et qu’est-ce qu’on devrait faire actuellement selon vous?
Seymour Hersh: Vous êtes entrain d’assumer la logique du gouvernement américain.
Le problème est simple. J’ai pu remarquer lorsque j’étais à Beyrouth que les officiels du gouvernement Siniora ont connaissance de leur existence. La raison pour laquelle ils tolèrent des groupes djihadistes comme ceux qu’on voit actuellement à Tripoli, c’est parce qu’ils sont perçus comme pouvant les protéger du Hezbollah. La peur du Hezbollah à Washington, particulièrement dans la maison blanche, est un leure. Il pensent que Hassan Nasrallah a absolument l’intention de lancer une guerre contre les Etats-Unis. Et le fait que ce soit vrai ou non est une autre question, mais c’est une exagération de la crainte du Hezbollah. Nous ne voulons pas que le Hezbollah joue un rôle actif au Liban, dans le gouvernement, et ça a été notre politique de manière basique depuis le début. A savoir soutenir le gouvernement Siniora malgré sa faiblesse, contre une coalition qui est formée non seulement du Hezbollah mais aussi de M. Aoun [ndlr: leader chrétien], ancien chef de l’armée libanaise.
Jeunempl pour Mouvement Pour le Liban (Belgique), 16 janvier 2009.
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